En fin d’année le CNOMK a effectué une mise à jour de la charte relative à la création de site internet. L’objectif est de mieux s’adapter aux nouvelles pratiques de partage de l’information qui est un “véritable phénomène de société” tout en rappelant les principes éthiques et déontologiques. C’est du moins ce que l’on peut lire en introduction, mais qu”en est il vraiment ? Dans ce premier article l’analyse porte sur les propos introductifs de la charte. Un deuxième article sera bientôt publié pour faire ressortir les changements principaux.

 

Une interprétation du code déontologique qui se durcit.

Deux nouvelles notions apparaissent dans les propos introductifs qui amènent à se poser les questions suivantes :
A partir de quelle quantité d’information est-ce de la pub ?

“Néanmoins, la nature et la quantité des informations délivrées peuvent tendre vers une publicité…”

Il est tout à fait raisonnable de dire que la nature d’une information revêt un caractère promotionnel. Par exemple, dire que l’on pratique l’Endermologie® (qui est une marque déposée) peut être considéré comme de la publicité. On peut cependant dire que l’on pratique un massage mécanique par micro-aspiration sans problème.

La difficulté est au niveau de la quantité. Combien d’information peut-on communiquer ? Si un cabinet pratique l’ostéopathie, la rééducation vestibulaire, la posturologie, la balnéothérapie et la sophrologie est-ce trop d’information? Quelle quantité d’information puis-je fournir aux internautes (patients ou simple curieux) pour chaque spécialité ou spécificité ?

Cette notion de quantité est non seulement difficile à appréhender, elle va également à l’encontre des nouvelles pratiques de partage. En effet, en tant que kiné, je peux fournir à un maximum de personnes au travers de mon site internet, blog, réseaux sociaux… des informations de qualité, reconnues scientifiquement face à la masse d’informations poubelles voir dangereuses. De plus diffuser ce type d’information est tout à fait autorisé par l’Article R4321-64 du code de la santé publique. Alors pourquoi se limiter en quantité ? Au contraire, tout le monde y gagne: l’internaute accède à des contenus de qualité et la profession se valorise.

Comment les internautes peuvent-ils trouver ce qu’ils cherchent?

“Toute méthode de référencement, directe ou indirecte, payante ou gratuite, visible ou cachée est interdite dans le contenu du site ou du nom de domaine.”

Pour commencer le nom de domaine n’est plus déterminant pour le référencement depuis plusieurs années. De plus il s’agit ici d’une interprétation de ce que prévoit la loi qui va bien au-delà de ce qu’elle dit en remplaçant le terme “publicité” par “référencement” :

Article R4321-67
Créé par Décret n°2008-1135 du 3 novembre 2008 – art. 1
La masso-kinésithérapie ne doit pas être pratiquée comme un commerce. Sont interdits tous procédés directs ou indirects de publicité, exception faite des cas prévus aux articles R. 4321-124 et R. 4321-125. En particulier, les vitrines doivent être occultées et ne porter aucune mention autre que celles autorisées par l’article R. 4321-123.

Payer pour apparaître dans un encart publicitaire, en tête de liste, pour de la diffusion ciblée ou de masse… Tous ces procédés où si l’on paye plus que le voisin alors on est plus visible sont effectivement des techniques publicitaires encadrées par la loi. Par contre il est tout à fait légal d’être référencé dans des annuaires dans la section masseur-kinésithérapeute sans payer plus pour se distinguer des autres.

Qu’en est-il du référencement gratuit (ou SEO) ? Mais d’abord quezako ? Pour faire simple on va le décrire en trois étapes et le mettre en perspective avec l’interdiction de faire du référencement gratuit.

Les internautes avant tout.

Le premier objectif d’un moteur de recherche est de fournir des informations pertinentes et de qualité. Donc l’objectif premier pour qu’un site soit bien référencé est d’offrir de l’information pertinente et de qualité. Or la déontologie impose que la communication d’informations soit pertinente et de qualité. Mais la charte interdit toute stratégie de référencement gratuit.

Un site propre et qui s’adapte.

Rien d’exceptionnel ici, un site dont l’organisation, la structure et le code n’entraînent pas pas de problèmes de temps de chargement, de boucles, d’affichage… sera mieux référencé qu’un site qui bug. De plus les nouveaux usages d’internet, principalement sur mobile, impliquent qu’un site internet soit adaptatif à la taille de l’écran (ou “responsive”). Donc plutôt que de s’appliquer à faire un site propre et adaptatif il faudrait s’appliquer à faire des sites qui buggs et qui ne s’adaptent pas.

Informer les moteurs de recherche.

Heureusement même si par inadvertance on a fait un site pertinent et bien structuré il est toujours possible de le garder pour soi. Tant qu’on ne communique pas au moteurs de recherche que notre site existe, quelles sont les pages qu’il peut référencer ou pas, on respecte la charte. Mais alors qu’elle est l’intérêt de faire un site internet ? Cela équivaut à proposer une formation ou un congrès scientifique sans inviter personne, ou seulement nos amis, la famille et quelques collègues (la moitié ne seront même pas intéressés…).

 

Conclusion

Il semble que le ton se durcit quand à la création de site internet. Pourtant le 21 juin 2018 le Conseil d’Etat avait rendu public une étude sur les “Règles applicables aux professionnels de santé en matière de d’information et de publicité”. La conclusion de cette étude orientait plutôt vers “enrichir l’information et poser un principe de libre communication” tout en respectant le code de déontologie. Or on s’oriente plutôt vers une interprétation plus restrictive des textes de loi d’un côté et une reconnaissance des pratiques du grand public de l’autre sans les mettre profondément en adéquation.