Se former au traitement de l’épaule douloureuse avec Matthieu Loubière
L’épaule douloureuse est un enjeu majeur de santé publique. Les douleurs d’épaule sont le troisième trouble musculo-squelettique le plus fréquent, après les douleurs du bas du dos et du cou. Elle a un effet important sur l’économie, car elle augmente les coûts des soins de santé ainsi que les coûts liés aux accidents du travail. Le traitement des douleurs de l’épaule est un défi pour de nombreux professionnels de santé. Le nombre de techniques disponibles est si vaste qu’il est difficile de savoir laquelle utiliser. La bonne nouvelle est que les preuves scientifiques recommandent actuellement avant tout une prise en charge non chirurgicale. La physiothérapie est l’approche suggérée pour les personnes affectées par des problèmes d’épaule.
Nous avons le plaisir d’accueillir Matthieu Loubière, kinésithérapeute, enseignant et conférencier, pour nous présenter sa formation “L’épaule douloureuse : de la thérapie manuelle à l’exercice” au sein de GEM-K Formations.
Pouvez-vous vous présenter et nous dire ce qui vous a amené à co-créer GEM-K Formation?
Salut à toustes, comme j’ai l’habitude de dire, je suis Matthieu Loubière, kinésithérapeute depuis 18 ans maintenant, et j’ai un exercice qui est spécialisé en pathologie musculo-squelettique. Je fais un peu de tout mais surtout du rachis et des épaules, c’est là que j’ai mon expertise si je puis dire. J’ai fait de nombreuses formations en particulier en thérapie manuelle orthopédique, c’est vraiment ce qui me plaît bien.
Je suis également formateur en formation initiale dans plusieurs IFMK, en formation continue au sein de différents organismes dont GEM-K formation. C’est un organisme qu’on a co-créé avec un de mes collègues et ami, Baptiste Falin, dans le Jura en 2009.
Ce qui nous a motivé dans un premier temps c’est l’envie de partir dans l’aventure de créer quelque chose ensemble et surtout de localement amener la possibilité aux kinésithérapeutes de se former. Ce n’est pas toujours facile de monter sur Paris que ce soit au niveau du coût, du temps et c’est parfois plus simple de se former localement. Et donc l’idée c’était d’amener la formation à des kinés locaux et qu’ils vivent une belle aventure. C’est quand même super sympa de mutualiser les moyens pour créer quelque chose qui en plus est utile et fait plaisir.
L’épaule douloureuse est un enjeu majeur de santé publique, comment peut-on limiter son occurrence?
Alors je partage assez l’idée que l’épaule douloureuse est un enjeu de santé publique. Quand on regarde le Global Burden of Disease, cette grande étude sur plusieurs années sur les pathologies qui touchent la population, dans les pathologies musculo-squelettiques les douleurs d’épaules apparaissent en 2ème-3ème position. Donc c’est quelque chose de très important qu’on retrouve beaucoup.
Quant à ce que l’on peut faire en prévention, c’est assez difficile de répondre à cette question. Je dirais que la meilleure façon de se prémunir des douleurs d’épaule c’est de rester actif, c’est l’une des choses les plus importantes, avoir une activité physique. De respecter les temps de repos. Et pour tout ce qui est préventif en termes d’ergonomie, si vous avez besoin d’avoir des postures maintenues dans le temps les bras en l’air très haut ou des gestes répétés, c’est quand même intéressant de se ménager des temps de repos ou de faire en sorte que l’activité soit compatible avec votre capacité physique. Je ne crois pas qu’il y ait une activité qui soit plus dangereuse qu’une autre, par contre il faut que le physique puisse suivre. Il faut que vous puissiez être suffisamment équipé, entraîné, pour résister à ça.
Pour résumer en prévention on peut rester actif, faire les choses de façon mesurée, progressive, et s’écouter aussi, il y a des moments où l’on a besoin de se reposer. Ce sont je pense les choses qui sont le mieux pour prévenir les douleurs d’épaule.
L’approche chirurgicale des douleurs de l’épaule était très en vogue à une époque, qu’en est-il aujourd’hui?
Je pense que la chirurgie est moins pratiquée sur la coiffe pour plusieurs raisons.
La première raison c’est qu’on a pu montrer que lorsqu’on suivait les gens sur du moyen/long terme (5 à 10 ans) que la chirurgie et la kinésithérapie avaient à peu près les mêmes résultats en termes de qualité de vie, en termes de fonction. Il y a encore un cas pour lequel ce n’est pas encore sûr, les ruptures traumatiques. Si vous avez une rupture traumatique, que vous êtes jeune et/ou sportif, il semblerait que ce soit plutôt intéressant de se faire opérer. Mais dans les autres cas, étant donné qu’on a les mêmes résultats avec la kinésithérapie la question se pose.
La deuxième raison, c’est que de plus en plus, les chirurgiens avant d’opérer demandent à faire de la rééducation bien conduite. C’est-à-dire avec des exercices actifs durant un certain temps, minimum 3 mois. On se rend compte qu’en faisant ça, la plupart des patients sont quand même améliorés par la rééducation.
Et puis il y a quelques études assez intéressantes, de mémoire l’étude de Bird avec un placébo d’opération. On endort les gens, on leur fait juste deux petites piques sur l’épaule, puis on les réveille. Dans un autre groupe on les opère réellement, on réalise le geste technique. On se rend compte que les résultats sont à peu près similaires ce qui fait dire à certains auteurs que peut-être la chirurgie c’est l’ultime placebo.
Alors évidemment je suis un kiné et donc je vends de la rééducation, si j’étais chirurgien peut-être que je citerais d’autres études.
Quels sont les objectifs de la formation: épaule douloureuse, de la thérapie manuelle à l’exercice?
Alors cette formation que j’organise qui est en fait construite sur 2 jours avec un pré-learning et un post-learning a évidemment plusieurs objectifs.
Alors le premier objectif, comme toute formation, est de permettre d’acquérir de nouvelles compétences. Que ce soit sur le plan théorique et pratique, j’essaie de proposer des mises à jour justement des connaissances qui me paraissent primordiales.
Ensuite j’ai à cœur de faire toucher du doigt qu’il y a en fait 2 grandes façons de pratiquer en musculo-squelettique. Soit on s’approche sur ce qu’on appelle la modification de symptômes. C’est-à-dire que l’on va prendre un symptôme et on va chercher à le changer. Soit on est plutôt dans une approche étiologique: on recherche une cause, un diagnostic structurel en général. Donc ce que j’essaie de faire, c’est de proposer les 2 façons de voir. Il y a des situations dans lesquelles cela me paraît plus adapté de faire d’une certaine manière et d’autres situations où c’est plus intéressant de faire autrement.
Troisième objectif: être capable de construire un plan de traitement à partir de recommandations.
Quatrième objectif: réintégrer la place du passif. Moi j’adore le passif, parce que ça fait partie de mes appétences. Et je pense que c’est un excellent outil pour permettre aux gens de bouger. Donc souvent j’ai l’habitude de dire le passif comme tremplin à l’actif.
Cinquième objectif, va être de se centrer sur la communication dans un objectif d’améliorer l’alliance thérapeutique. Et surtout de permettre aux patients.es d’être autonomes. L’autonomisation et l’observance c’est hyper important et je crois que ça fait partie dans mon top 5 des objectifs. J’aimerais que les kinés soient plus à l’aise pour ça et ça passe par de la communication. Il s’agit donc de développer des compétences qui ont plus à voir avec les sciences humaines et sociales
Vous proposez un format unique et très pratique pouvez-vous nous en dire plus? (e-learning pre/post formation)
C’est vrai que cette formation j’ai essayé de la construire en 3 étapes. D’abord on a un pre-learning qui dure entre 4 et 5 heures. Je suis en train de le remettre à jour en ce moment, donc je ne sais pas la durée finale pour l’instant. Dans cet e-learning on passe en revue la présentation générale de la formation, l’anatomie, la cinésiologie, l’étude comparative de l’épaule dans les espèces qui nous ont précédées, la physio-pathologie, et sur l’autonomisation et l’observance.
On a 2 jours de présentiel dans lesquels j’essaie de réduire le plus possible la théorie. Il y en a un peu car il y a des mises à jour qui arrivent régulièrement et que le pre-learning je ne m’amuse pas à le mettre à jour tous les 6 mois (tous les 2-3 ans en général). Et puis une phase pratique durant laquelle le premier jour on fait de l’examen clinique et le second jour les traitements.
Et enfin la 3ème étape c’est le post-learning de synthèse. Il reprend vraiment les idées fortes de la formation pour permettre de revoir les choses centrales de cette formation.
Cette formation est-elle réservée aux kinés? Comment en profiter?
Cette formation n’est réservée qu’aux kinés. C’est vrai que la plupart du temps j’ai des kinés, mais j’accepte toutes les professions de santé. Donc n’importe quelle profession qui voit des épaules peut venir me voir: ostéopathes, kinés, chiro, médecin ça peut vous intéresser. Après dans les autres métiers je ne sais pas si vous y trouverez votre compte car c’est très axés musculo-squelettique. Donc c’est ouvert à toutes les professions qui touchent de près ou de loin les problèmes d’épaule. Pour en savoir plus rendez-vous sur la page de la formation épaule douloureuse: de la thérapie manuelle à l’exercice.
Comment voyez-vous l’évolution du métier de kinésithérapeute dans les années à venir?
C’est une question intéressante de se demander comment on voit l’avenir de la profession. Je pense que nous allons évoluer vers des spécialisations. J’aimerais bien, peut-être que petit à petit on va gagner en autonomie. Au moment de cette interview on est en train de voter l’accès direct en assemblée nationale, donc je pense que l’on va aller dans le sens d’une augmentation du cadre de fonctionnement en première intention pour les kinésithérapeutes. Et je suis assez content de ça. J’aimerais qu’il y ait des spécialisations qui apparaissent, ou en tout cas qu’il y ait des kinés qui puissent être valorisés pour leur spécialisation. Mais je ne sais pas, c’est vraiment difficile de dire comment cela va évoluer.
Au moment où je parle on vient d’avoir des négociations conventionnelles qui ne se sont pas bien passées. Donc je n’ai pas tellement idée de ce qui va pouvoir arriver dans les prochaines années. J’aimerais bien qu’on se rapproche du modèle Canadien ou du modèle Australien, c’est à dire plus d’autonomie, des niveaux de diplômes plus hauts et plus de responsabilités. Mais on est peut-être qu’une toute petite minorité à penser ça? Comme je vois toujours les mêmes types de kinés dans mon petit noyau dur de thérapeutes qui forment des gens donc je ne sais pas si j’ai une vision très large et objective de la profession.
En tout cas mon souhait ce serait que l’on ait beaucoup plus d’autonomie, et qu’on soit aussi valorisé pour notre expertise