Rééducation des fasciopathies plantaires, du sédentaire au sportif: Interview avec Christophe Broy

Les fasciopathies plantaires touchent 10% des coureurs à pied et sont la troisième pathologie la plus présente chez ces athlètes. Cependant ces douleurs peuvent affecter des profils de patients variés, tels que des athlètes professionnels, des sportifs amateurs et des personnes sédentaires. La complexité de ces syndromes peut rendre difficile leur compréhension.

C’est un plaisir d’accueillir aujourd’hui Christophe Broy, Masseur-kinésithérapeute certifié en thérapie manuelle neuro-orthopédique et chargé d’enseignement en IFMK et en formationcontinue, pour nous présenter la rééducation des fasciopathies plantaires, du sédentaire au sportif.

Peux-tu te présenter et nous dire ce qui t’a amené à créer la formation rééducation des fasciopathies plantaires, du sédentaire au sportif ?

Bonjour à toutes bonjour à tous, tout d’abord je voudrais remercier toute l’équipe de KinéOweb pour l’invitation à ce podcast et de me donner la possibilité de parler avec vous des fasciopathies plantaires. Je suis Christophe Broy, kinésithérapeute diplomé depuis 2002, j’ai réalisé mes études dans une école de kiné en Belgique à Charleroi. Depuis mon diplome j’ai suivi de nombreuses foramtions courtes et plus longues également autour de la kinésithérapie du sport et des troubles musculosquelettiques. J’ai réalisé un CEC en kiné du sport avec la SFMKS j’ai également été diplomé de thérapie manuelle et certifié en dryneedling des points trigger myofasciaux et plus récemment j’ai un DU en méthodologie en recherche clinique et un DU running Trail à l’université de Besançon. Ma pratique se centre exclusivement sur les troubles musculo squelettiques et ma pratique se partage entre à peu près la moitié de prise en charge de troubles musculo squelettiques classiques, c’est à dire des lombalgies, cervicalgies, douleurs d’épaule, etc. Et l’autre moitié, c’est de la kiné du sport avec notamment la prise en charge de coureurs à pied ou de trailers. Je suis également formateur pour plusieurs organismes de formation en France et je suis moi même cofondateur et cogérant de Kine & Co Formation, qui est un organisme de formation pour les kinésithérapeutes dans la région Grand Est.

Qu’est ce qui m’a amené à créer cette formation sur les fasciopathies plantaires ?

Il y a plusieurs éléments. Je vais déjà introduire un terme un peu plus général qui est le terme de douleur plantaire de talon. Ce terme un peu plus général, plus généraliste, qui va reprendre toutes les entités, toutes les structures qui peuvent générer des douleurs localisées au niveau de la partie plantaire du pied et au niveau du talon. La première chose, et je l’ai appris durant mes années de pratique, c’est que toutes les douleurs plantaires de talons ne sont pas des fasciopathies. Je pense que le terme est certainement mieux choisi parce qu’il y a encore quelques années, dès qu’un patient avait mal sous la plante du pied, on lui collait l’étiquette de fasciopathie plantaire et ça pouvait nous amener à des échecs de traitement. La première raison, c’est réaliser un diagnostic différentiel, un raisonnement clinique autour de ces douleurs plantaires de talons et arriver à mieux identifier la cause du problème. Le deuxième point, c’est de se dire en fonction de la structure qui est en dysfonction, en fonction de la structure qui engendre cette douleur, il faudra proposer un traitement spécifique. Enfin, la dernière raison, c’est que toutes les fasciopathies plantaires ne se ressemblent pas.

Il y a plusieurs profils et on ne va pas prendre en charge de la même manière un patient sédentaire qui passe beaucoup de temps debout dans son métier à l’usine, par exemple, et qui a une fasciopathie plantaire. On ne va pas prendre en charge ce patient de la même manière que l’on va prendre en charge une fasciopathie chez un coureur à pied.

Les fasciopathies plantaires ne concernent pas uniquement les coureurs à pied. Peux-tu nous en dire plus sur les différentes causes ?

Les fasciopathies plantaires touchent principalement deux types de profils de patient. D’un côté les patients sédentaire, donc ce sont des patients qui ne pratiquent pas de sport ou pas d’activité physique mais qui peuvent être amenés à marcher ou plutôt piétiner dans leurs activités professionnelles et surtout rester en station debout prolongée durant leurs activités notamment professionnels. Le deuxième type de population c’est les populations sportives et notamment tous les sports à base de course à pied comme la course à pied, le trail, le triathlon. Mais on peut également la retrouver chez des joueurs de foot ou dans d’autres d’autres sports bien évidemment. La population principale de sportifs reste quand même les coureurs à pied. Pour moi la fasciopathies plantaires ça reste avant tout un problème d’absorption de la charge et des contraintes au niveau du au niveau du pied si on regarde nos deux populations la population sédentaire et la population sportive on est dans une problématique d’absorption.Elle est plutôt différente chez le patient sédentaire, si on prend l’exemple du patient qui doit rester debout en station de prolongée pour son métier, il va plutôt être dans une absorption qui sera plutôt dite statique. Ill va devoir maintenir un petit peu la position de son pied dans le temps et et dans l’espace. De l’autre côté vous savez le patient sportif par exemple le coureur à pied. Lui va réaliser dans sa foulée des cycles d’absorption restitution et ça va donc être une succession d’absorption donc on sera plutôt une absorption dite dynamique. Donc on voit bien que d’un côté on a un problème d’absorption plutôt statique et de l’autre côté plutôt plutôt dynamique. Donc l’écho est toujours autour de l’absorption mais sur des problématiques différentes de statique ou de dynamique. Donc on voit bien ces deux types de profils là, on ne va pas du tout les traiter de la même manière.

Chez les sédentaires il ya également un facteur de risque qui a clairement été identifié par la littérature c’est le surpoids, l’indice de masse corporelle. On sait dès lors que l’indice de masse corporelle va dépasser 30 kg par mètre carré et bien on a un risque accru de développer une fasciopathie plantaire tout simplement parce que on va avoir une surcharge exercée au niveau du au niveau du pied.
Concernant le coureur à pied, on sait également que la vitesse est un paramètre qui va favoriser le développement de fasciopathies plantaires. Donc quand on dit vitesse ça peut être surtout des changements de vitesse. Un patient qui réalise des entraînements de course à pied type endurance et qui va du jour au lendemain mettre du fractionné ou qui va augmenter sa vitesse de course peut-être d’une manière pas suffisamment progressif le fait de travailler sur l’intensité donc sur la vitesse en course à pied ça peut également être une une cause qui peut être à l’origine des douleurs plantaire.
Ensuite il y a beaucoup d’autres causes mais qu’on ne retrouve pas de manière régulière et systématique chez tous les patients. La littérature nous dit que la limitation de flexion dorsale de la cheville, que la limitation de l’extension du gros orteils sont des facteurs de risque. Et au niveau musculaire la force musculaire des gastrocnémiens, du soléaire, du long fléchisseur de l’hallux ou encore des muscles intrinsèque du pied peut également être une cause développer une fasciopathie plantaire.
Encore une fois ces derniers paramètres on ne les retrouve pas tous et systématiquement chez tous nos patients. En tout cas ce seront des éléments qu’il faudra évaluer dans notre bilan kiné et il faudra bien sûr traiter les différents éléments qui posent problème.

La prise en charge des fasciopathies plantaires peut-elle nécessiter une approche multidisciplinaire? Quel rôle central peut jouer le kinésithérapeute?

La prise en charge des fasciopathies plantaires nécessite bien sûr une approche multidisciplinaire où on peut retrouver différentes professions de santé comme le kiné, le podologue ou encore un médecin rhumatologue ou médecin du sport qui pourra éventuellement pratiquer une infiltration si nécessaire. La place du kiné, à mon sens, est relativement principal dans la prise en charge de de cette pathologie et je m ‘appuie sur le le guide de recommandations des bonnes pratiques de management de ces douleurs plantaire de talon qui qui sont paru dans le BJSM de mars 2021 où on a recours dans un premier temps à une prise en charge kiné. Cette prise en charge kiné est orientée autour de trois axes:

– l’éducation du patient, 

– le taping, notamment pour diminuer la douleur à court terme et en phase plutôt aiguë subaiguë,

– et la remise en charge progressive sur le fascia plantaire. 

Donc ces trois axes là sont des axes principalement réalisés par le kiné. Puis on pourra proposer dans les suites éventuellement des ondes de choc extra corporelles, encore une fois réalisé par le kiné. Ensuite on pourra demander une consultation podologue pour la réalisation des semelles. Et enfin, en dernier recours, si on n’a toujours pas de résultats satisfaisant, on pourra s’orienter vers vers une infiltration. Donc je pense vraiment que la prise en charge peut être bien sûr multidisciplinaire mais que le kiné a vraiment une place centrale à jouer dans cette pathologie.

La prévention est généralement le meilleur traitement. Comment le kinésithérapeute peut-il se positionner pour un accompagnement préventif?

Alors bien sûr la prévention reste toujours le meilleur traitement. Dans la population de patients plutôt sédentaire j’axerais sur deux moyens de prévention:

– Je le sensibiliserais tout d’abord à l’indice l’analyse de masse corporelle. Si mon patient était en surpoids, je lui conseillerais de perdre du poids parce que on l’a déjà dit précédemment mais un indice de masse corporelle élevé est un facteur de risque pour développer une fasciopathie plantaire.

– La deuxième chose vu que c’est un patient sédentaire, je l’accompagner dans un début dans une reprise d’activité physique sportive toujours de manière régulière et progressive mais en fait ça va permettre d’un côté de réguler peut-être son poids et de l’autre côté de refaire travailler différentes structures pour finalement éviter de développer ou de redévelopper une fasciopathie plantaire.

Concernant le patient sportif et notamment le coureur à pied, j’axerais la prévention sur deux point:

– La gestion de la charge. On sait que beaucoup de blessures relatives à la course à pied sont liées à une surcharge d’entraînement, que ce soit le volume, que ce soit la vitesse. Mais en tout cas je travaillerais avec mon patient sur une bonne gestion de la charge d’entraînement 

– La qualité de ses structures musculaires. On sait notamment chez le coureur qui va beaucoup solliciter ses muscles du mollet je ferai une évaluation de la force musculaire et un travail de renforcement. Plutôt renforcement avec pour objectif d’améliorer la force maximale de ces structures et bien sûr je tester également le muscle long flechisseur de l’hallux et les muscles intrinsèque du pied.

Quels sont les objectifs de la formation Rééducation des fasciopathies plantaires, du sédentaire au sportif ? Avec quels outils les kinés repartent-ils?

Alors il y a plusieurs objectifs sur cette formation de rééducation des fasciopathies plantaires du sédentaire aux sportif. Le premier objectif c’est de comprendre ce terme de douleurs plantaire de talons: c’est se dire ok toutes les douleurs qu’on a sous le pied ne sont pas forcément que des  fasciopathies plantaires, il peut y avoir également d’autres d’autres causes.

Le deuxième objectif c’est de réaliser un raisonnement clinique, un diagnostic différentiel, pour optimiser la prise en charge du patient. Si on part dès le début sur une mauvaise piste ça risque d’être compliqué. Donc vraiment on met l’accent sur le raisonnement cliniques clinique et le diagnostic différentiel.

Le troisième objectif c’est de réaliser une évaluation de mon patient. Alors en fonction du profil, en fonction de ce dont le patient a besoin, on va pouvoir réaliser une évaluation post statique de son pied, une évaluation post dynamique du pied, une évaluation de la force musculaire des gastrocnémien, du solaire, du LFH, des muscles intrinsèque du pied, évaluation de la mobilité. On va vraiment faire une évaluation individualisé du patient pour tout simplement voir quels sont les paramètres ou quels sont les dysfonctions pour pouvoir proposer un traitement individualisé. 

Et, je viens de le dire, l’objectif de cette évaluation c’est surtout de réaliser une prise en charge individualisé en fonction des déficits des disfonctions du patient, mais aussi et surtout en fonction de ses besoins et de ses objectifs. Donc ça c’est vraiment quelque chose d’intéressant.

Donc voilà avec cette formation les kinés vont repartir avec plusieurs outils. Que ce soit des outils de tests clinique pour le raisonnement clinique, que ce soit des outils avec de l’évaluation de la force musculaire, de l’évaluation de mobilité, l’évaluation de la posture du pied. Et puis bien sûr avec beaucoup de ce que j’appelle des tips cliniques, c’est à dire des des petits conseils des petites choses à mettre en pratique avec les patients ce soit sur du strapping, des taping, mais aussi sur la combinaison d’exercices pour renforcer ou pour aller solliciter plusieurs muscles en même temps, sur des exercices de mise en charge… 

Voilà c’est une formation qui se veut avant tout pratique et surtout j’ai envie de dire interactive. Il ya beaucoup de discussions de réflexion autour de cas, autour de situations pratiques, autour de groupes musculaires: comment l évaluer, comment le renforcer… 

Donc c’est vraiment une formation très tournée vers la pratique et surtout patient centré: l’objectif est vraiment d’identifier la problématique du patient et de lui proposer une prise en charge individualisée pour nous donner toutes les chances de succès de réussite dans le traitement.

La formation est-elle uniquement destinée aux kinés? Comment faire pour se former avec toi?

Alors cette formation elle est essentiellement destinée aux kinés parce qu’elle est tout simplement proposé dans plusieurs organismes de formation en France qui sont des organismes de formation avant tout pour kinésithérapeute. Il y a certains organismes qui forment également des podologues, mais cette formation elle est globalement ouverte aux kiné à et à tous les autres professionnels de santé comme des médecins, des médecins du sport, des podologues, des ostéopathes et j’ai même eu parfois des coachs sportif ou entraîneur qui sont venus assister à cette formation.

Si vous voulez participer à cette formation vous pouvez retrouver tous les organismes avec qui je collabore et avec qui je propose cette formation en france sur ma page facebook ou sur mon compte instagram ou encore sur mon compte linkedin.

Comment vois-tu l’évolution de la kinésithérapie dans les années à venir?

Alors concernant l’évolution de la profession dans les années futures je suis assez partagé et, d’un côté si on regarde le verre à moitié plein, je pourrais dire que l’évolution va dans le bon sens parce qu’on a déjà la réforme des études avec le niveau master 1 possibilité de faire un master 2. On a de nombreux kinés qui aujourd’hui se lancent dans un doctorat. Il y en a déjà qui le font de manière vraiment très brillante des gens comme Brice Picot, Romain Tourion, Florent Foreli. On a vraiment beaucoup de gens qui se lancent vraiment dans des grands sujets de recherche donc ce qui est vraiment très intéressant parce que ça produit du contenu et surtout ça fait un petit peu même beaucoup avancer la situation. Parce qu’on a reproché à la kiné pendant longtemps de ne pas fournir suffisamment de preuves donc je pense que la réalisation de travaux type master 1, master 2… ça permet de créer du contenu et de pouvoir ensuite le diffuser. Je crois aussi que la profession de kinésithérapeute a beaucoup de volonté. Pour preuve il y a beaucoup de gens qui se forment dans tous ces organismes de formation en France. Ces formations ont également un petit peu changé, elles sont beaucoup plus centrées autour de l’approche EBP que ça peut être le cas il y a quelques années. 

Maintenant si on regarde le verre à moitié vide, on se dit que finalement on n’est peut-être pas aidé dans notre évolution et dans nos bonnes intentions par toutes nos instances supérieures. On voit l’échec récent des revalorisation des tarifs des séances de kiné. On voit l’échec, ou en tout cas le peu d’avancées, sur l’accès direct. Donc finalement on a côté des kinés qui ont beaucoup de bonnes volonté, beaucoup de bonnes intentions pour faire évoluer favorablement la profession. Et de l’autre côté j’ai cette sensation qu’on manque peut-être de confiance en nous, peut-être de reconnaissance. 

Mais dans le fond je reste un éternel optimiste et j’ai bon espoir pour que la profession évolue et qu’on aille un petit peu vers ce qui peut se faire dans les pays anglo-saxons aujourd’hui, comme l’Angleterre ou encore comme la Nouvelle Zélande ou encore l’Australie.