L’étude Stéthos de 2015 sur “la souffrance des professionnels de santé” a mis en avant que la moitié des soignants sont ou ont été concernés par le burnout. Cette situation de détresse, souvent minimisée, voir tabou, ne doit pas être une fatalité. L’association Soins aux Professionnels en Santé (SPS) s’est donné comme objectifs de susciter la prise de conscience, de mener des actions concrètes et d’optimiser les parcours de soins.

Pouvez vous vous présenter en quelques lignes

Je suis Eric Henry, un généraliste travaillant en libéral depuis 26 ans et installé en cabinet depuis 19 ans, d’abord seul et maintenant à 17 soignants en interprofessionnel. Je suis un enfant de père instituteur suicidé en 1978.

Ne souhaitant à personne d’avoir à vivre cela, lorsque j’ai réussi à régler cette partie de ma vie en 2010, j’ai décidé de devenir proactifs sur ce sujet et je me suis formé avec le Dr Jean Louis Terra, expert reconnu de la prévention du risque suicidaire. J’ai ensuite tenté de mettre en place une consultation de prévention du suicide sur mon territoire, mais les esprits n’étaient pas encore prêt à entendre, repérer et partager les patients. J’ai donc abandonné cette idée territoriale, attendant fébrilement une autre fenêtre pour en faire un projet plus gros et plus important. SPS en 2015 m’a donné cette opportunité, le sujet devenait national.

Qui sont les acteurs de l’association Soins aux Professionnels en Santé ?

Constituée en 2015 principalement de médecins, nous avons modifié les statuts le 7 février 2018. En changeant le nom de l’association de « Soins aux Professionnels DE Santé » à « EN santé », nous sommes passés de 1,9 millions à 3 millions de professionnels couverts.
Le bureau est composé dorénavant de 9 personnes. Il est paritaire et reflète notre société en santé : médecin libéral, médecin militaire, pharmacien hospitalier, aide-soignante salariée, kinésithérapeute libéral, médecin retraité, pédiatre, infirmière libérale, et patiente. Les kinésithérapeutes sont très présents au sein de la gouvernance de SPS avec Sébastien Tessuto, Claire Kerdaffrec, Michel Arnal.

Toutes et tous ont en plus des fonctions représentatives ou non en dehors de l’association: secrétaire URPS, syndicats salariés, fonctions ordinales, présidents d’associations…

Nous avons également constitué un Conseil d’Administration composé de 16 membres supplémentaires et, par paire, les membres ont toutes et tous des missions à remplir. Dans ce C.A nous avons maintenant des représentants du monde administratif en santé, du monde médical hospitalier des CME, etc… Nous pensons n’avoir oublié personne et si c’est le cas , il sera toujours le bienvenu.

Quelles sont les missions de l’association SPS ?

Nous avons 8 missions pour venir en aide aux soignants
Aider (création d’une plateforme d’appel nationale et d’un blog SPS),
Accompagner (prise en charge via un maillage territorial avec des consultations physiques et la création d’unités dédiées),
Prévenir (mise en place de sentinelles formées au repérage des soignants présentant des signes de souffrance),
Former (développement de modules de formation* pour apprendre à repérer et prendre en charge les soignants rendus vulnérables),
Comprendre (réalisation d’études et d’enquêtes terrain autour de la souffrance des soignants),
Fédérer (organisation d’un colloque national annuel, d’ateliers « vert »),
Protéger (créer un contrat de prévoyance en intégrant des plans de formation),
Prendre soin des territoires oubliés et des soignants empêchés (création du « Care des territoires »).

Comment fonctionne l’association SPS ? Comment peut-on vous soutenir ?

SPS est un ensemble de soignants très proactifs qui veut d’abord venir en aide aux soignants en souffrance, rendus vulnérables par leur vie professionnelle et/ou leur vie privée.

L’objectif de SPS est de leur offrir toutes les libertés de choix des acteurs qui les accompagneront lors de leur parcours, de soin et administratif, dans la confiance et la confidentialité.

Notre but est ainsi de leur éviter tous les sanctions administratives dont ils pourraient être atteints et devenir une deuxième fois victime d’anciens fonctionnements pas toujours bienveillants dont les décisions parfois tranchantes ont comme conséquences d’aggraver encore la situation et l’épuisement de nos collègues.

Chez SPS, nous défendons une ou un professionnel, nous ne défendons pas l’image d’une profession

Tous nos efforts sont tournés vers les professionnels EN santé, soignants et administratifs, pour assurer leur protection personnelle, aidé en cela par des structures représentatives et administratives renouvelées et devenues bienveillantes.

Vous pouvez nous soutenir selon 3 axes :
La plateforme
Le colloque
L’adhésion SPS (individuelle ou morale)

Tout cela est accessible directement sur le site : www.asso-sps.fr/don.html

soins aux professionnels en santé

Il n’est pas toujours facile de se reconnaître en souffrance, quels sont les signes avant coureurs ?

Il existe un outils d’auto-évaluation en ligne mis en place par le Collège Français des Anesthésistes-Réanimateurs. Un des premiers signes est la fatigue qui s’accumule, des troubles du sommeil, un sentiment de ne plus s’épanouir, d’être empêché de bien faire son travail et ceci de façon répétée. Il y a une irritabilité qui pointe, un agacement fréquent, des sueurs froides, des tremblements, des troubles de la vision. L’organisme doucement nous lâche et récupérer devient difficile. On perd du poids, on bouge beaucoup et on est moins efficace.

L’envie d’aller au travail baisse, on souffle pour évacuer la pression. Des pensées récurrentes peu agréables apparaissent. On a de plus en plus de conflits, avec ses proches, ses collègues, ses patients. On a le sentiment d’être mal compris, incompris, expliciter ses besoins et sa pensée devient difficile.

On se sent seul et on s’isole en devenant agressif de peur d’être démasqué. Pour pallier à la souffrance et tenir le coups on prend des médicaments ou d’autres toxiques. On se couche de plus en plus tard pour ne plus vivre l’insomnie et affronter ses proches, le matin se lever est de plus en plus difficile, on s’isole même de sa famille. Pour ne plus subir la souffrance on la masque, on fait façade et quand on craque c’est très violent avec un entourage qui ne comprenant pas, qui s’éloigne.

À ce stade le cerveau n’est plus capable. Le soignants est déconnecté du monde.
Ici le risque de suicide est très élevé, car le soignant est vraiment seul et pour ne plus souffrir la seule solution qui s’offre à ses pensées serait de disparaître…

Stress, burn out, épuisement que fait-on quand on est concerné directement ou indirectement ?

Le mieux est d’appeler la plateforme SPS 0805 23 23 36 gratuite 24/7, un psychologue clinicien formé direct au décroché. Une voix dans la nuit. La famille est un début de solution mais elle n’est pas soignante. Elle est désarmée et ne sait pas toujours vers qui orienter. Elle peut surtout porter et supporter en aidant à sortir du déni et à pousser à consulter.

SPS a créé tout un parcours, de la plateforme avec ses 65 psychologues cliniciens libéraux, au consultants physiques psychologues, généralistes et psychiatres en ville ou à l’hôpital formés SPS (450 consultants formés en décembre 2018) et bien sûr les unités dédiées interprofessionnelles régionales si une hospitalisation se fait sentir.

Lorsqu’on est concerné directement je dirai que la seconde fois c’est plus simple car on a déjà été formé et tous ces signes avant-coureurs vous servent maintenant d’alerte.
On sait par quelles étapes on va passer et on a déjà la méthodologie, on a déjà croisé des soignants, on les connaît, on n’est plus seul depuis longtemps.
En plus après rémission, on s’intéresse en général plus au sujet et on suit l’actualité et les évolutions qui se font jour dans ce cadre. On devient parfois un acteur SPS de territoire.

Quand c’est la première fois, c’est très différent, la découverte de cet enchaînement qui peut devenir mortel est très douloureuse et on ne sait à qui s’adresser car on a toujours l’impression qu’on ne sera pas compris, qu’aucun interlocuteur ne sera à la hauteur de ce que nous vivons, que personne ne comprend rien!
La solitude est maximale et totale, le sentiment d’abandon prime.
C’est le grand vide!

C’est pourquoi nous devons toutes et tous démystifier le sujet du burn out et de l’épuisement professionnel. Déculpabiliser les collègues atteints c’est la priorité.
Ce n’est pas leur personne qui a failli, mais le système dans lequel ils évoluent qui est en train de faillir et ils en sont les lanceurs d’alerte.
D’autres ont craqué déjà bien avant et ont été pris en charge mais pour d’autres raisons souvent organiques, passées plus inaperçues.
Ceux qui arrivent au stade du burn out sont ceux dont le corps a résisté le plus longtemps, qui se sont donnés le plus et le plus longtemps pensant pouvoir éponger les failles du système et régler tout.

Il n’y a que lorsqu’ils entrent en conflit éthique avec les valeurs de leur métier, qu’ils ouvrent les yeux, qu’ils commencent à ne plus accepter l’inacceptable, mais il est trop tard pour un retour en arrière. Il doivent alors être pris en charge et entrer dans un parcours de soin, soit par eux même soit grâce à une sentinelle bienveillante SPS.