A quelques mois du 30ème anniversaire de Kinésithérapeutes du Monde, Monsieur Jean-Paul DAVID, président de l’association, nous offre une véritable introspection de l’organisation internationnale dans une interview exclusive pour KinéOblog. Découvrez les plus belles réussites, les projets en cours et à venir, et comment s’impliquer auprès de Kinés du Monde à l’étranger, en France et même depuis son canapé. Bonne lecture !

 

Dans quelques mois vous fêterez les 30 ans de Kinés du Monde, présentez-nous votre Organisation et vos plus belles réussites.

Kinés du Monde est une association de solidarité internationale. Notre principale mission est de faciliter l’accès aux soins des personnes fragilisées et handicapées en apportant une aide concrète notamment via la formation à la prise en charge du handicap. Nos équipes de praticiens de santé (kinésithérapeutes, ergothérapeutes, orthophonistes, psychomotriciens, médecins, infirmiers…) forment le personnel associé à une structure locale : crèches, dispensaires, hôpitaux, centre de rééducation… Depuis 30 ans, Kinés du Monde collabore avec des partenaires dynamiques et investis. Ensemble, nous œuvrons pour faire reconnaître l’importance de la rééducation dans leur pays. Pour nos volontaires expatriés, c’est une belle aventure humaine et professionnelle.

Dans le cadre de la mission que nous menons actuellement au Haut-Karabagh, nous avons participé à installer la rééducation en milieu hospitalier et nous avons aussi entamé une dynamique institutionnelle pour faire reconnaître la rééducation et réduire les délais – très longs – de reconnaissance du handicap et donc de sa prise en charge : à ce jour le centre Lady Cox, qui est notre principal partenaire, a obtenu un droit de dérogation lui permettant de prendre en charge certains patients avant qu’ils n’obtiennent la reconnaissance officielle de leur handicap. Dans un pays où les blessés sont nombreux, il était important de les soigner le plus tôt possible.

Au Bangladesh, où plusieurs projets ont été menés auprès de notre partenaire (SARPV) depuis 2001, une équipe autonome et performante rééduque maintenant les patients, notamment les enfants atteints de rachitisme et de pied-bot. La prise en charge est de plus en plus précoce. Des fields monitors (assistants des physiothérapeutes, relais auprès des populations locales) parcourent la région pour informer sur le handicap et ses modalités de prise en charge. Nous avons ainsi pu lutter efficacement contre ces pathologies et améliorer le suivi de nombreux enfants.

En Inde, nous avons réussi à étendre notre action à la formation de formateurs, une vraie réussite qui pérennise réellement l’action de Kinés du Monde. Cette modalité d’intervention est désormais développée, lorsque cela est possible, dans chacun des projets mis en place.

 

Vous êtes actuellement présents en Afrique, en Asie et en Europe, quels sont vos besoins immédiats ?

Comme pour beaucoup d’associations, nous sommes en recherche constante de fonds pour nos missions. Nous sommes très sollicités et malheureusement, nous ne pouvons répondre à toutes les demandes… Nous avons quelques partenaires financiers historiques qui soutiennent durablement les projets de l’association et profitons de cette occasion pour les remercier chaleureusement de leur confiance !

Nous souhaitons diversifier notre réseau de partenaires pour pouvoir répondre aux sollicitations qui nous parviennent, afin de garantir l’accès aux soins à un plus grand nombre. Nous mettons en place des actions afin de nous faire connaître et de récolter des fonds innovants pour les missions à venir.

Nous avons aussi besoin de bénévoles en France. Compétences multiples, actions ponctuelles, il y a de la place pour tout le monde selon les envies et possibilités ! C’est grâce à eux que Kinés du Monde peut se développer et mettre en place de nouvelles missions, ils sont précieux et indispensables à l’association.

 

Comment les professionnels de la rééducation peuvent-ils s’impliquer à vos côtés ?

Kinés du Monde, malgré son nom, n’est pas réservé uniquement aux kinés mais à tous les professionnels de la rééducation, et plus largement à toute personne souhaitant s’engager pour un accès aux soins des personnes vulnérables. Nous aimons dire que nous sommes les Rééducateurs en Mouvement. Nous cherchons à proposer aux structures une aide aussi complète que possible et pour cela, nous avons besoin d’équipes pluridisciplinaires qui se complètent au fil du projet.

Participer à nos missions est l’une des nombreuses façons de s’impliquer auprès de Kinés du Monde mais tout le monde n’est pas libre de partir 6 mois à l’étranger. Nous développons aussi des actions en France. Un projet d’accès aux soins de rééducation des personnes en situation de grande vulnérabilité dans la région de Grenoble est actuellement à l’étude. Nous espérons, à travers ce futur projet, pouvoir favoriser l’investissement local des bénévoles.

S’engager depuis la France permet aussi de pérenniser nos actions à l’étranger. Vous pouvez devenir adhérents, bénévoles, donateurs, parrains, acheteurs de nos produits de soutien via notre boutique en ligne mais aussi partenaires en créant des événements pour faire connaître Kinés du Monde et/ou récolter des fonds sur des évènements ponctuels. Et bien d’autres choses encore !

 

Quelles sont les différentes étapes avant d’accomplir une mission à l’étranger ?

Lorsqu’une structure sollicite Kinés du Monde, nous échangeons d’abord longuement avec elle afin d’étudier le contexte de la demande et les possibilités pour Kinés du Monde d’y répondre. Nous insistons notamment sur le fait que Kinés du Monde ne doit pas venir se substituer à un potentiel local, mais bien accompagner des structures et des intervenants dans des régions et/ou des contextes dépourvus d’opportunités en termes de prise en charge rééducative.

Une mission exploratoire est ensuite programmée, au cours de laquelle un binôme de rééducateurs bénévoles rencontre le(s) partenaire(s) potentiel(s) sur le terrain et collecte les données nécessaires pour évaluer les besoins locaux et les ressources disponibles afin de développer un réseau de prise en charge pérenne. Des pistes d’action sont alors définies avec les partenaires, qui donneront lieu à un projet de développement des capacités de prise en charge du handicap.

Si des rééducateurs souhaitent s’engager en tant que volontaire sur le terrain, la 1ère étape est de nous faire parvenir un dossier de candidature. Plusieurs démarches leur sont proposées afin de compléter leur recrutement : 2 entretiens avec des membres de notre équipe, un week-end de formation à l’interculturalité ainsi qu’un week-end de « mise en situation » (préparation au départ). L’ensemble de ces étapes du recrutement est détaillé dans notre dossier de candidature disponible en ligne.

 

Comment se déroule une mission à l’étranger ?

Les projets développés auprès de nos partenaires durent généralement 2 à 3 ans. Plusieurs volontaires expatriés, intervenant dans différents champs de compétences, se relaient sur le terrain afin de favoriser le développement d’une rééducation globale et pluridisciplinaire.

Les activités mises en place concernent principalement des missions de formation, de formation de formateurs, de soutien organisationnel, d’aménagement de plateaux techniques… Chacun des volontaires travaille en partenariat étroit avec les responsables de la structure locale, et œuvre pour le développement de partenariats dans le domaine du handicap afin que les acteurs locaux interviennent de façon complémentaire dans le cadre du parcours de soins.

Un responsable mission (rééducateur bénévole) est en contact permanent avec le volontaire, depuis la France, en tant que référent technique, et souvent également en tant que soutien humain à cette grande aventure d’expatriation !

 

Kinés du monde comores

Quels sont vos projets en cours et leur état d’avancement ?

En 2016, l’association Kinés du Monde est présente au Bangladesh, au Cameroun, aux Comores, dans le Haut-Karabagh et au Vietnam.

Les missions au Bangladesh, qui avaient été interrompues pour raisons sécuritaires, sont sur le point de reprendre : une mission de 4 mois visant à favoriser la prise en charge de l’IMC via la Réhabilitation à Base Communautaire, ainsi que 2 missions de formation continue sur la prise en charge des pieds-bots auront lieu en 2017.

Le projet camerounais, axé sur la rééducation du membre supérieur, sera clôturé en novembre 2016 par la réalisation d’une 5ème et dernière mission de formation courte.

La volontaire expatriée présente aux Comores depuis mars 2015 est de retour depuis le 30 juin 2016. Elle a mené des missions de renforcement des compétences auprès des techniciens de rééducation de deux centres hospitaliers (Hombo et Moroni) et du centre Caritas de Moroni. Les services de ces 3 centres, ainsi que de l’hôpital de Mohéli ont été renforcés grâce à l’envoi de matériels de rééducation. En fonction des attentes et besoins des partenaires locaux, une 2nde phase pourrait être développée, sur la mise en place d’un cursus universitaire en kinésithérapie.

Deux volontaires se rendront dans le Haut-Karabagh afin de consolider les phases antérieures, notamment en accompagnant la mise en place de la rééducation au sein des hôpitaux, en soutenant le développement d’un parcours de soins coordonné et en dispensant des formations complémentaires aux physiothérapeutes.

Le projet au Vietnam, visant à améliorer la prise en charge des enfants handicapés de la Thanh Tam School (Danang), a été initié avec le départ d’une volontaire kinésithérapeute. Il se poursuivra à partir de novembre 2016 avec l’envoi successif d’une ergothérapeute, d’une orthophoniste puis d’un(e) second(e) kinésithérapeute.

Par ailleurs, deux projets démarreront en 2017, l’un au Cameroun, dont le principal partenaire est la Fondation Ad Lucem au Cameroun (FALC), 2nd réseau de soins dans le pays ; l’autre à Bangalore(Inde) auprès de l’ « Association of Persons with Disability ».

Nous réaliserons prochainement l’évaluation finale d’un projet de renforcement des compétences de l’équipe (staff et parents bénévoles) du centre Hariksha, qui accueille une quarantaine d’enfants dans la région de Chennai (Inde).
Enfin, une mission exploratoire sera réalisée en 2017 à Madagascar, ainsi qu’une mission d’évaluation des actions menées par Kinés du Monde en Inde.

 

Comment voyez-vous la Kinésithérapie dans les années à venir dans les lieux où vous intervenez aujourd’hui ?

La rééducation est un métier basé sur la relation et la transmission. Le lien qui se créé entre le praticien et le patient est primordial pour une rééducation efficace et adaptée. Dans des pays où le handicap est parfois perçu comme une punition, la reconnaissance du métier de rééducateur est compliquée mais capitale pour améliorer les conditions d’accès aux soins des personnes isolées et handicapées.

C’est l’un des axes de développement de Kinés du Monde pour pérenniser ses actions et renforcer l’autonomie de ses partenaires.
Cette autonomisation passe par différents éléments : la formation de formateurs pour préparer de nouveaux professionnels et pallier à l’éventuel manque de personnels de rééducation ainsi que la création d’unités de sensibilisation et de dépistage du handicap dans les régions reculées.

Mais cette reconnaissance passe aussi par l’accompagnement à la création d’un cursus national de formation qui permettra d’installer le rôle du rééducateur dans le parcours de soins et auprès des équipes soignantes. Pour ce faire, Kinés du Monde s’efforce de mobiliser les instances dirigeantes du pays dans les missions.

C’est ainsi que nous pourrons accompagner la diversification de l’offre de soins de rééducation et favoriser la mise en place d’équipes interdisciplinaires qui répondront de manière encore plus efficace à la problématique du handicap et de l’accès aux soins.

Kinés du monde merci